Carrefour veut redevenir prophète en son pays ! - TEAM² Consulting

Carrefour veut redevenir prophète en son pays !

Le timing de l’annonce en aura surpris plus d’un, à l’heure où le feuilleton du rachat de Casino cristallise l’attention des analystes financiers, des experts retail et des pouvoirs publics.

 

L’information clé de ce mois de juillet sera certainement d’ailleurs celle de cet accord entre les groupes Carrefour et Dehlaize, portant sur la reprise de 60 hypermarchés Cora et de 115 supermarchés Match, permettant ainsi à Carrefour de réaliser sa première opération de croissance externe sur le marché français depuis plus de 20 ans, et le rachat de Promodès.

 

Si les rumeurs portant sur une probable concentration de la distribution alimentaire française étaient devenues récurrentes depuis la période post-Covid, l’incertitude résidait surtout sur les acteurs qui seraient au cœur de ce mouvement. Et Carrefour faisait régulièrement, et légitimement partie de l’enseigne qui revenait dans les projets, jusque-là avortés (rachat de Carrefour par Couche-tard, projet de rapprochement avec Auchan…).

 

C’est donc du groupe Dehlaize que Carrefour s’est finalement rapproché. Un accord assez logique pour plusieurs raisons. En effet, au-delà des liens historiques existants entre les distributeurs, et si l’on fait abstraction de la situation actuelle de Casino, Cora et Match restent les deux enseignes les plus abordables en termes de poids (respectivement 1,8% et 0,7% de parts de marché), et donc de coût d’investissement (1 milliard d’euros). D’un point de vue toujours pragmatique, la complémentarité des réseaux est également mise en avant par Alexandre Bompard, dans la mesure où Cora et Match sont essentiellement implantées dans l’Est et le Nord de la France, territoires dont Carrefour est davantage absent. Un bon moyen donc, de compléter son maillage territorial national, et de pouvoir plus facilement contester la concurrence de E. Leclerc et consorts sur certaines zones de chalandise.

 

La finalité de cette opération, affichée clairement par Carrefour, est une recherche de parts de marché (estimée à 22,5%), afin de se repositionner dans le match face à E. Leclerc (23,5%) tout en prenant ses distances avec un groupement des Mousquetaires (16%), à l’offensive. Au-delà des difficultés éventuelles à traduire cet objectif en réalité à court ou moyen terme, ce rachat parachève une trajectoire stratégique déjà perceptible depuis quelques années.

 

En effet, depuis les années 90 et l’accélération de son développement international de Carrefour, le marché français n’était assurément plus une priorité. Les gains d’activité et les économies d’échelle associées aux volumes étaient bien plus aisés à conquérir sur des marchés émergents à faible structure concurrentielle (Amérique du Sud, Europe de l’Est, Asie principalement) que sur un marché domestique devenu plus mature. Une stratégie payante, qui propulsera Carrefour au deuxième rang du retail mondial en 1999.

 

Depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard à la tête de Carrefour en 2017, deux plans stratégiques ont été présentés, et le rapport entre le développement au plan national et international a quelque peu évolué. La quête constante de nouveaux pays a laissé place à un désengagement progressif dans des pays moins rentables et/ou plus complexes à appréhender. L’engagement de Carrefour en Asie est ainsi devenu très marginal (Taiwan) après le départ de Chine et d’Indonésie. Le distributeur se recentre donc clairement sur les marchés les plus porteurs (Brésil, Argentine pour l’Amérique du Sud, ainsi qu’en l’Europe) en vue de dégager les marges de manœuvre financières nécessaires à la fois au maintien de sa compétitivité en France face à la montée en puissance des groupements d’indépendants, tout en se donnant les moyens de ses ambitions sur le digital, les prix et la proximité notamment.

 

Un changement d’équilibre donc dans l’équation du développement du groupe (52% du chiffres d’affaires environ est réalisé hors de France), qui passe par la reconquête d’un leadership longtemps laissé à E. Leclerc sur le marché français, et depuis quelques années contesté par Intermarché, voire Système U. Car Alexandre Bompard peut clamer qu’avec ce rachat, il y a désormais deux leaders en France, Leclerc reste le seul numéro d’une courte tête, et c’est désormais par les actions et les preuves auprès des clients qu’il faudra le déposséder de cette position.

 

L’annonce d’hier ne marque donc le début d’une nouvelle étape du développement du groupe Carrefour, et l’expérience Promodès ou plus récemment l’intégration des magasins Leader Price par Aldi, a démontré qu’il faudra du temps et la capacité de créer la bonne dynamique entre des équipes au passé différent. Comme toujours dans ce genre de processus, l’humain sera la clé par un accompagnement adapté des collaborateurs, et s’il est une variable pour laquelle on avance rarement avec des certitudes, c’est celle-là.

 

Rédigé par David PRUVOT

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